Le récit
Patagonie – Parc National Villarica
La petite ville de Pucón est située au pied du volcan Villarrica, elle est la porte d’accès principale au Parc National de Villarrica qui abrite le volcan du même nom, mais aussi les volcans Quetrupillán et Lanín.
Après avoir gagné le Centre de skip en stop, situé sur le flanc du volcan Villarrica, j’ai contourné ce volcan par le Sud jusqu’à la vallée de Chinay. Puis, j’ai poursuivi en direction du volcan Quetrupillán où j’ai alterné entre les forêts de Pehuéns, les lacs d’altitude et les déserts volcaniques. De là, j’ai rejoint le pied du volcan Lanín que j’ai contourné cette fois-ci par le Nord afin d’atteindre son camp de base, de l’autre côté de la frontière, en Argentine. Puis, c’est en stop que j’ai atteint Junín de los Andes.
Jour 1 : Centre de ski – Pichillancahue
9h10- 37km – +1485/-1690m
Comme aucun transport public ne dessert la station de ski située sur le volcan Villarrica et qu’il y a plus de 15 kilomètres de route, je tente le stop à la sortie de Pucón. C’est un 4×4 de guides, en route pour rejoindre leurs clients, en vue d’effectuer l’ascension du volcan, qui me prend. C’est l’occasion pour moi d’avoir quelques informations, notamment sur les points d’eau de la journée. Arrivé au poste d’entrée du parc, j’ai la mauvaise surprise de voir que le tarif d’entrée que m’avait indiqué le ranger au bureau du parc de Pucón n’était pas bon, il passe de 1000 à 4000 Pesos.
A la station, située à 1410 mètres d’altitude et à moins de 4 kilomètres à vol d’oiseau du sommet du volcan, un panneau indique le départ du sentier de la traversée de Villarrica. Le sentier est bien marqué, bordé de petites pierres, il longe le volcan. Ce matin, le ciel est d’un bleu pur et les rayons du soleil se réverbèrent si fortement sur la cime enneigée du volcan Villarrica qu’il en est éblouissant. En contrebas, c’est une mer de nuages qui se lève me donnant l’impression d’être perché dans le ciel, dans le domaine des dieux. Seules les pointes des volcans aux alentours percent dans le panorama.
Le sentier suit une ligne naturelle entre deux écosystèmes. A ma droite vers le bas, le vert domine avec des broussailles, qui, au fil de la perte d’altitude, deviennent des arbustes, pour se transformer, une fois dans la plaine, en une belle forêt dense. A ma gauche, vers la cime du volcan, le gris domine avec des anciennes coulées de laves où seules quelques fleurs arrivent à mettre un peu de vie et de couleur dans un environnement désolé.
L’itinéraire alterne entre des petites forêts de Pehuéns, des conifères de la famille des Araucarias, endémiques de Patagonie plus vieux que les dinosaures, et des zones de coulées volcaniques se présentant sous différentes formes : peau d’éléphant, sable noir, roches coupantes… Au bout de quelques heures de marche, je tombe sur une aire de bivouac. Alors qu’à Pucón, le ranger m’avait dit qu’il n’y avait rien avant celle de Chinay… En réalité, il y en a quatre autres. Je continue à traverser des lieux exceptionnels, comme les « zanjóns » qui sont des ravines volcaniques, la « Valle del Fuego » qui se passe d’explication, les caves volcaniques parsemées sur le chemin, des coulées volcaniques de toutes sortes… Tout cela contrastant avec les oasis de Pehuéns et la vallée de Chinay qui abrite une immense forêt.
Lorsque je fais une halte pour manger, j’ai la mauvaise surprise de voir que mon sac à nourriture ne contient ni fromage, ni jambon. Je les ai oubliés dans le frigo de l’auberge quand je suis parti ce matin… Je suis bon pour manger du pain sec durant les cinq prochains jours. Dans l’après-midi, j’ai déjà face à moi les volcans Quetrupillán et Lanín au loin. Le Lanín est ma destination finale et durant tout le trek, j’aurai les 3 volcans, devant ou derrière moi, dans le panorama, c’est ce qui rend cet itinéraire magnifique.
Petit à petit, je me rends compte que non seulement les rangers ne connaissent pas leur parc, mais aussi que la carte officielle qu’ils fournissent gratuitement est fausse. Et les erreurs ne sont pas minimes ! D’après celle-ci, ma journée devrait parcourir une distance de 23 kilomètres, mais au vu de ce que j’ai déjà fait et ce qu’il me reste, ce sont plutôt 34 kilomètres ! De plus, le sentier est loin d’être plat, ça monte et descend tout le temps.
Le lieu de bivouac est encore loin, j’opte pour une solution bis, il faut que je me trouve un petit coin pour la nuit. Je quitte le sentier principal, trop enfoui dans les bois pour planter ma tente, pour celui qui monte en direction du glacier de Pichillancahue. Mais là-haut, c’est infesté de taons et de fourmis, impossible de me poser, je fais finalement demi-tour. Après ces 4 kilomètres de détour, j’en ai plein les jambes et je décide de m’arrêter là pour aujourd’hui. Je pause ma tente au milieu des arbres. Surtout, que du coup, n’ayant aucune confiance dans les distances indiquées sur la carte, je ne sais pas ce qui m’attend pour demain, 20, 30, 40 kilomètres ?
Jour 2 : Pichillancahue – Lagune Azul
6h00 – 25km – +1350/-1100m
J’arrive rapidement au camp de Chinay situé dans une prairie, puis au poste de ranger en fond de vallée. A partir de là, le chemin reprend de la hauteur, il monte à travers une forêt constituée de Pehuéns, mais aussi de Notros. Des arbres typiques de Patagonie qui donnent naissance à une très belle fleur rouge vif. Avec la cime blanche du volcan Villarrica en arrière-plan, je me lâche sur les photos…
Une fois en haut de la grimpette, je débouche sur l’arête du Cerro Los Pinos, point culminant de la traversée à 1950 mètres d’altitude. Le panorama à 360 degrés offre une vue sur les trois volcans majeurs du trek, le Villarrica à 2847 mètres, le Quetrupillán à 2360 mètres et le Lanín à 3747 mètres, ainsi que d’autres plus éloignés. Comme hier, ils dominent le panorama une bonne partie de la journée. Après cette hauteur, j’atteins un magnifique plateau au pied du Quetrupillán. La neige est encore bien présente à cette saison et j’ai plusieurs grands névés à traverser. Avec cette météo caniculaire qui règne sur la Patagonie depuis le début du mois, c’est fort agréable. En plus, ce mélange de paysages volcaniques recouverts de neige est de toute beauté. Villarrica est l’un des plus beaux parcs que j’ai eu l’occasion de parcourir en Patagonie. Avec ses volcans coniques, ses cimes enneigées, ses déserts volcaniques, ses forêts de Pehuéns et de Notros, ses lagunes bleues vif, il a vraiment tout pour plaire. Côté faune, si lors des zones volcaniques, c’est le désert, dès que je rentre en forêt, c’est l’occasion d’admirer les lézards colorés qui courent dans tous les sens, d’écouter les pics du Pic de Magellan ou encore les croatements du Caracara Huppé.
Par contre, plus j’avance, plus je suis envahi par les taons, surtout dans les secteurs volcaniques. C’est une invasion infernale, je ne sais comment m’en débarrasser ! En cette période de printemps, j’ai l’impression qu’ils sortent de leur période d’hibernation et que je suis la première personne qu’ils voient… D’un autre côté, il n’y a pas grand monde dans ce parc, je suis quasiment seul. Je n’ai croisé que deux personnes (et n’en croiserais pas d’autre), qui eux aussi ont subi les mauvaises informations des rangers. Ils ont même été leur dire, que la traversée n’était pas réalisable cette année par manque de pont sur la deuxième partie… Du coup, ils prévoient d’écourter leur marche. Pour ma part, je n’y crois pas trop et cela ne m’inquiète pas plus que ça, car je ne vois aucune grosse rivière sur l’itinéraire.
En fin de journée, le sentier arrive sur les hauteurs de la lagune Azul. Encore une fois, le panorama est exceptionnel avec une lagune d’un bleu vif magnifique, au pied du volcan Quetrupillán encore bien enneigé. Si le Villarrica et le Lanín font toujours partis du tableau, au loin, j’aperçois en plus le volcan Mocho Choshuenco, caractérisé par ses deux cônes volcaniques.
Le sentier descend pour rejoindre le bord du pl
n d’eau situé à côté d’une énorme coulée volcanique qui forme un vrai labyrinthe. C’est entre les deux, à l’abri de la brise, derrière quelques arbres, que j’installe ma tente. Je n’ai plus qu’à attendre que la soirée passe doucement dans ce cadre enchanteur et à regarder les pierres volcaniques flotter à la surface de l’eau.
Jour 3 : Lagune Azul – Rio Momolluco
7h00 – 29km – +730/-1250m
Le soleil vient me réveiller dans la tente, c’est des plus agréables. Un dernier coup d’œil sur la lagune et je remets mon sac sur le dos. Je commence par longer l’impressionnant champ de lave qui débouche sur un univers toujours aussi minéral. Des grandes étendues arides me font face, j’ai l’impression d’être de retour en Islande, la pluie en moins… L’itinéraire emprunte un chemin lunaire, je marche dans du sable gris, contourne des cirques de cratères, survole une belle crête, pour finir par arriver à un point de vue sur la grande et magnifique lagune Blanca.
Par contre, comme à chaque passage en zone volcanique, je suis encerclé par les taons… J’ai du coup, beaucoup de mal à me poser pour prendre des photos, sans me faire attaquer. En plus, ils m’en gâchent pas mal, j’en ai toujours un dans le champ de vision !
A un moment, au vu de l’itinéraire que je suis et du relief qui m’entoure, je me dis que je suis en train de faire un crochet par l’Argentine. Mais ma carte, celle du parc, me dit que non, que le sentier reste côté Chilien. Je suis pourtant sûr du contraire… (J’en aurai la confirmation après le trek, en visualisant des cartes plus sérieuses).
Une fois revenu au Chili, je retrouve de la verdure, mais aussi des zones très humides, marécageuses. Une nouvelle fois, le paysage change du tout au tout. Ici tout est vert, luxuriant. Je m’enfonce dans la forêt et je finis par arriver à la plage de sable noir de la lagune Las Avutardas. Un lieu idéal pour une petite sieste après avoir dégusté mon pain sec.
L’après-midi se poursuit essentiellement en forêt, jusqu’à ce que j’arrive sur la piste qui conduit vers l’Argentine. Toutefois, avant de passer la frontière, je pénètre dans une nouvelle vallée, celle de Momolluco, afin de rejoindre le pied du volcan Lanín. Mais pour l’instant, je me cherche un petit coin pour la nuit. Dans cette vallée étroite, je ne trouve qu’une toute petite prairie, au bord d’une rivière. Même si elle est déjà occupée par des vaches, je décide de m’y installer. Ce n’est pas bien grave, elles me tiendront compagnie.
Jour 4 : Rio Momolluco – Lagune Quilleihue
5h35 – 24km – +800/-700m
Gras mat, ça change et ça fait du bien, car avec ses kilomètres de surplus, suite aux erreurs de la carte, j’ai les jambes fatiguées. Si j’avais eu les bonnes informations dès le début, je pense que j’aurai effectué la traversée en 6 jours et non 5.
Je poursuis ma remontée de vallée étroite au milieu de la végétation. Quand, quasiment instantanément, l’environnement change, finie la forêt, elle laisse place à un désert volcanique sableux. Une nouvelle fois, je suis très proche de la frontière, mais sans la franchir. Un panneau indique le point de passage pour rejoindre le lac Paimún qui se trouve en Argentine. Cela ferait un bel itinéraire pour enchaîner avec la traversée du Parc National Lanín, s’il est possible de franchir les frontières librement…
Le chemin continue de grimper jusqu’à 1760 mètres d’altitude, dans un panorama lunaire pour s’approcher au plus près du volcan Lanín. J’ai vraiment l’impression qu’il est à portée de main… A vol d’oiseau, le sommet n’est qu’à 5 kilomètres, mais à 2000 mètres au-dessus de ma tête. Il fait partie des plus hauts volcans de Patagonie. Après l’avoir titillé, le chemin prend la direction de la descente en passant au bord de la lagune Verde, une lagune qui aurait pu s’appeler Emeraude tellement son eau verte est scintillante sous les reflets des rayons du soleil.
Puis, il plonge dans une nouvelle forêt de Pehuéns, lorsque d’un coup, je tombe en cul de sac sur la lagune Huenfuica. A partir de là, il n’y a plus de sentier alors que je suis censé la contourner. Ce n’est pas la première fois que je vois en Patagonie une lagune qu’il faut contourner les pieds dans l’eau, par manque de passage sur sa périphérie. Mais là, l’eau est profonde et la distance à parcourir est importante sans que je sache où se trouve le point de sortie… Je décide, plutôt de rebrousser chemin, afin de trouver un autre passage. Je suis l’unique autre chemin du coin et je finis par retomber sur mon sentier. Après une dernière balade en forêt, j’arrive sur la piste qui mène en Argentine. Je m’en écarte un peu et pose ma tente au bord de la lagune Quilleihue pour la nuit.
Jour 5 : Lagune Quilleihue – Camp de base Lanín
2h15 – 9km – +190/-150m
Je suis la piste en direction du poste-frontière Mamuil Malal, entre le Chili et l’Argentine, par la route du Père Pancho, un missionnaire qui a œuvré pour la région. En passant la ligne séparant les deux états, je change également de parc pour entrer dans le Parc National Lanín. Je poursuis jusqu’au camp de base du Lanín où se trouve un bureau de rangers.
Je prends quelques renseignements, sur un éventuel chemin que j’aimerais suivre. Celui qui permet de rejoindre le versant Sud du volcan, au bord du lac Huechulafquen et ainsi, le départ de la traversée du Parc National Lanín. Le ranger me sort tout un baratin comme quoi ce sentier ne peut s’emprunter que dans l’autre sens, Sud-Nord, à cause des communautés Mapuches qui vivraient là, afin d’avoir leur autorisation de droit de passage. Je n’y crois pas trop, mais finalement, j’opte tout de même pour rentrer, en stop, à Junín de los Andes, afin d’y passer Noël.