Le récit
Patagonie – Parc National Torres del Paine
Le « O »
Jour 1 – 03/12/09 : Du Guardena Amarga au refuge Seòn
Départ : 13h50 – Arrivée : 17h40 | +250/-180m – 15km – 3h50
Après notre trek dans le Parc des Glaciers, du côté du Cerro Fitz Roy, nous nous rendons au Chili pour rejoindre le massif de Torres Del Paine.
Nous sommes partis de très bonne heure en direction du Chili par la mythique Routa 40. La Routa 40 est une route qui traverse toute l’Argentine, du Nord au Sud sur plus de 5200 kilomètres. Au passage du poste de douane à la frontière, nous mangeons rapidement nos sandwichs et nos bananes qui risquent de se retrouver à la poubelle, l’importation de nourriture étant contrôlée au Chili. Malheureusement nous n’avons pas du tout pensé aux saucissons ! Voilà que les douaniers nous confisquent nos quatre saucissons ! La poisse. Par contre, bizarrement ils ne touchent pas au fromage et au jambon…
Notre marche commence au niveau du poste de garde d’Amarga, parmi les guanacos qui broutent au milieu de la pampa. La météo est au beau fixe, avec de belles rafales de vent à en perdre la casquette. Cela n’empêche pas qu’il fasse très chaud. Je marche avec les fermeture-éclaires latérales de mon sur-pantalon complètement ouvertes.
Nous traversons des forêts brulées, des rivières et la pampa. Il y a également tout un tas d’espèces d’oiseaux que je suis incapable de reconnaitre. Le sentier offre une vue sur les Torres en partie cachées par quelques nuages, elles sont de toute beauté. La marche est longue jusqu’au refuge Seòn, bien plus que ce que la carte et les panneaux nous indiquent… Nous nous rendons vite compte que quelque chose ne vas pas. Ce n’est pas possible que nous ne soyons toujours pas encore arrivés au refuge. Puis nous finissons par comprendre que la carte, celle distribuée à l’entrée du parc, est fausse. Si le temps de marche indiqué est cohérant, le kilométrage est erroné. Le sentier qui rejoint le refuge Seòn est indiqué comme faisant 10 kilomètres, alors qu’en réalité la distance est de 15 kilomètres.
Nous arrivons au refuge vers 18 heures et nous avons croisé quasiment personne de l’après midi, ce qui est plutôt agréable. La fin de la soirée se passe à l’intérieur du refuge avec le souper en compagnie d’autres marcheurs arrivés un peu plus tôt ainsi que quelques Chiliens venus rendre visite au gardien.
Jour 2 – 04/12/09 : Du refuge Seòn au camp los Perros
Départ : 8h40 – Arrivée : 17h20 | +1020/-650m – 25km – 7h10
Il fait encore un temps superbe ce matin ! Nous replions vite le campement, pour profiter du ciel bleu.
Nous longeons tout d’abord le lago Paine pendant une bonne partie de la matinée, puis le sentier prend un peu de hauteur, pour nous offrir un panorama de toute beauté. Nous avons une vue sur le lago Dickson, avec en arrière plan des montagnes enneigées, comme le Paine Chico et le Ohnet. En plus, comme nous sommes partis parmi les premiers ce matin et d’un bon pas, nous sommes une nouvelle fois seuls sur le sentier.
Nous faisons notre halte du midi au refuge Dickson, sur lequel flottent deux drapeaux. Celui du Chili, ainsi que celui de la province de Magallanes. Un drapeau bleu et jaune avec des étoiles symbolisant la croix du Sud qui surplombe la cordillère de Darwin.
Nous continuons notre route en remontant la vallée, à travers la forêt, ce qui nous mène au pied du superbe glacier los Perros.
Il nous fait face, là, juste devant nous, imposant, glacial, avec un vent violent qui caresse en rafales avant de venir nous congeler. Puis le sentier continue de s’enfoncer dans la petite vallée pour rejoindre le refuge los Perros qui se trouve au pied du col John Gardner. Nous avons marché d’un bon pas toute la journée, au point que le gardien du refuge est surpris de nous voir arriver à cette heure lorsqu’il apprend que nous sommes partis du refuge Seòn.
Nous passons la soirée sous la grande tente commune en compagnie de quelques randonneurs individuels et d’un groupe d’une agence avec son encadrement Chilien. Alors que nous ingurgitons notre petit plat du soir, alors qu’à coté de nous se trouvent les Chiliens qui préparent la cuisine pour leur groupe, un véritable festin… J’en salive tout en mangeant mon bol de riz…
Une chose qui m’éclate dans ce genre de soirée, ce sont « légendes des montagnes ». Des histoires que se racontent les gens au bivouac, chaque fois traduites dans une langue différente et qui se transmettent de randonneur en randonneur. Souvent, elles ont pour thème un passage délicat sur un itinéraire. Ce soir, il s’agit du col John Gardner que nous devons gravir demain. Déjà en Argentine nous avions eu droit à quelques échos sur ce fameux col.
Des Australiens se seraient retrouvés bloqués dernièrement lors de leur montée à cause d’une tempête. Epuisés, perdus, mais heureusement équipés d’un téléphone satellite, ils auraient réussi à joindre appelé des amis en Australie. Ces derniers auraient prévenu les autorités Chiliennes qui seraient ainsi venues à leur secours.
Jour 3 – 05/12/09 : Du camp los Perros au refuge Grey
Départ : 7h40 – Arrivée : 15h30 | +1165/-1675m – 16km – 6h45
Aujourd’hui nous avons donc à franchir le col John Gardner culminant à 1241 mètres d’altitude. Pour cela nous nous sommes levés tôt. C’est le seul col sur le circuit…
Dans la tente commune, nous sommes encore titillés par les odeurs alléchantes du petit déjeuner que les Chiliens préparent pour leur groupe.
A peine démarré, nous nous retrouvons rapidement sur un sentier enneigé, et balayé par les vents. Je m’enfonce jusqu’à mi-cuisse… Mais comme il fait grand beau, c’est une vraie partie de plaisir. En plus la montée est vraiment superbe. En se rapprochant du sommet, le vent souffle de plus en plus fort, nous sommes obligés de revêtir toutes nos protections vestimentaires.
Une fois là haut, vers les 10 heures, le spectacle est impressionnant. Le panorama exceptionnel depuis le col sur le glacier Grey qui se trouve en contrebas de l’autre versant est renversant. C’est certainement l’un des plus beaux points de vue sur un glacier que j’ai eu l’occasion d’admirer en rando. L’immense glacier Grey mesure 25 kilomètres de long pour 3,6 kilomètres de large. Il est issu de l’imposant glacier Hielo Continental. Le Campo de Hielo Continental est un glacier aux dimensions démesurées, long de 550 kilomètres. Il constitue avec ses 21000 kilomètres carrés, la troisième masse glaciaire terrestre de la planète.
Nous ne restons guère au col, car si une altitude de 1241 mètres n’est pas considérée habituellement comme très élevée, ici en Patagonie, c’est une autre histoire. C’est un climat de haute montagne qui y règne.
Comment bien souvent, au sommet se trouve comme très souvent un cairn. Mais celui-ci se retrouve, par les foules qui le franchissent, enguirlandé avec des t-shirts, chaussettes, gants, culottes… multicolores. Un simulacre des beaux cols Himalayens colorés par des drapeaux à prières.
Nous effectuons une bonne partie de la descente dans la neige, en glissades, en luges… Je suis trempé, mais c’est l’éclate totale. Heureusement, après avoir perdu un peu d’altitude, la température est plus clémente et le ciel est toujours aussi beau.
Nous faisons notre pause déjeuner au camp John Gardner avec quelques autres personnes, avant de reprendre le sentier qui surplombe le glacier. Il le longe jusqu’à son extrémité où ce dernier vient s’échouer dans le lago Grey.
Avant de rejoindre le refuge Grey, nous faisons un petit détour sur la petite péninsule qui offre un merveilleux panorama face au front du glacier. Un glacier que nous aurons pu admirer sous toute les coutures, entre le point de vue au col, ceux se trouvant sur son flanc tout au long du sentier, et maintenant celui-ci.
Après avoir installé notre camp au refuge Grey, non loin du bord de l’eau, nous nous installons sur la petite plage de sable noir pour une séance de bronzage ! Une plage où de petits icebergs viennent s’échouer. La température est des plus clémente, nous restons dehors jusqu’à 22 heures et le baromètre de ma montre affiche 1030 hectopascals, la pressions la plus haute depuis notre départ.
Depuis notre arrivée en Patagonie, je passe mon temps à réajuster l’altitude de l’altimètre de ma montre, la pression n’arrêtant pas de se prendre pour un yoyo. Alors qu’habituellement, je règle mon altimètre seulement une à deux fois par semaine, ici c’est une à deux fois par jour !
Jour 4 – 06/12/09 : Du refuge Grey au camp las Carretas
Départ : 9h00 – Arrivée : 17h05 | +720/-730m – 21km – 5h30
Nous nous accordons un levé tardif ce matin, c’est notre jour de « repos ». Nous avons une petite étape devant nous. Car avant d’affronter la foule sur le fameux circuit W, nous comptons faire un petit détour dans la partie Sud du parc.
Nous commençons par rejoindre le refuge Pehoe qui est noir de monde. J’ai rarement vu des campements aussi grands. Il y a des tentes par dizaines !
L’arrivée en bateau au refuge constitue le principal point d’entrée et de sortie pour la majorité des personnes réalisant le circuit « W ». Nous assistons d’ailleurs à l’arrivée de l’un d’eux. Lorsqu’il débarque ses passagers, j’ai l’impression de voir une rame de métro aux heures de pointes…
Nous ne restons guère longtemps, après avoir déjeuné et récupéré quelques provisions dans le réfectoire (laisser là par des randonneurs ayant fini leur trek), nous prenons la direction du Sud en longeant le magnifique lago Pehoe
Malgré le vent violent qui nous pousse à présent, notre rythme de marche est plutôt cool cet après-midi, nous avons une petite baisse de régime, un contre coup des derniers jours et du trek précédent en Argentine. En plus Ricou souffre des énormes ampoules, bien dégueux, installées derrière ses talons.
Nous ne croisons quasiment personne sur ce chemin, il n’est guère fréquenté. Cela se voit tout de suite au travers des les infrastructures du camp de las Carretas qui n’est pourtant situé qu’à 10 kilomètre du géant de Pehoe. Ce mini camp où nous arrivons afin d’y passer la nuit équipé seulement d’un abri sommaire constitué de 3 murs en tôle et d’un toit. Avec une grande table bien haute, et un banc bien bas, ce qui rend la situation des plus comique au moment du souper.
Du coup, nous avons la chance de passer la soirée avec simplement une tente comme voisin, ca fait du bien ce petit moment d’isolement. De plus, ce soir nous avons atteint la latitude la plus au Sud de notre voyage et la plus au Sud où je ne sois je n’ai jamais allé, soit 51°S.
La soirée est pour une fois paisible, en plus sur la petite hauteur qui domine le camp, nous pouvons observer un splendide coucher de soleil sur sur tout le massif du parc de Torres del Paine qui se dresse face à nous.
Jour 5 – 07/12/09 : Du camp las Carretas au camp Italiano
Départ : 8h30 – Arrivée : 20h10 | +1270/-1115m – 25km – 8h15
Nous repartons en direction du W, et cette fois-ci le vent ne nous bouscule plus comme hier, cela fait du bien quand ce dernier se calme un peu.
Nous reprenons exactement le même sentier que pour venir, mais le panorama sur le lago Pehoe et les Cuernos est tellement magnifique qu’il n’y a aucune lassitude à repasser par ici.
Nous faisons à nouveau une petite halte au refuge Pehoe. Nos provisions de nourriture étant limitées (surtout par le fait que nous nous étions fait confisquer nos saucissons à la douane) j’ai bien l’attention de combler cela. Cette fois, c’est du riz et du lait en poudre qui viennent compléter notre stock.
Puis nous poursuivons la marche sous un soleil de plomb, il fait 35°C, cela devient une habitude ! Ainsi je marche torse nu et avec mon sur-pantalon ouvert encore une fois ouvert à fond, je regrette vraiment le short… Jamais je n’aurai cru qu’il puisse faire si chaud.
Nous arrivons au camp Italiano pour midi. Nous nous y installons, puis nous continuons la journée par l’incontournable visite jusqu’au fond de la vallée Del Francès.
C’est fou, mais c’est pourtant ici, dans l’une des deux vallées les plus fréquentées du parc que nous nous égarons. Nous avons tout simplement loupé un virage en pleine forêt. Cela nous fait finalement, après avoir quelque peu erré dans une jungle de mini-arbuste, découvrir un petit belvédère fort sympa dominant la vallée.
Après avoir un peu tourné en rond, nous retrouvons le sentier et poursuivons jusqu’au point de vue donnant sur le fond de la vallée, trois heures après avoir quitté le camp.
Nous nous sommes fait une bonne journée aujourd’hui, je sens la fatigue… Je profite tout de même des températures clémentes pour faire enfin un brin de toilette dans le torrent tumultueux qui coule non loin du camp avant de me coucher.
Jour 6 – 08/12/09 : Du camp Italiano au camp las Torres
Départ : 7h35 – Arrivée : 19h10 | +1485/-1085m – 23km – 7h00
Le ciel est grand bleu ce matin, il n’y pas un nuage à l’horizon ! Et surtout pas de vent ! C’est une nouvelle journée caniculaire qui s’annonce. Dés le matin, nous faisons une petite halte fraicheur au lago Nordenskjöld.
A midi mon thermomètre affichera 37°C en plein soleil. Nous cramons littéralement, c’est impensable cette chaleur qu’il peu faire en Patagonie !
Nous pénétrons dans la vallée Ascensio par un sentier aérien, poussiéreux, schisteux, glissant à flanc de montagne, dominant le fond de vallée et de toute beauté. Puis nous passons devant le refuge los Cuernos avant de poursuivre jusqu’au camp las Torres. Une nouvelle fois, le camp est bien rempli, nous sommes dans la partie du parc la plus fréquentée. Juste un peu plus haut dans la montagne se trouvent les fabuleuses Torres, les joyaux du parc.
Il nous faut tout juste 45 minutes supplémentaires de montée pour atteindre le lago où se trouve le point de vue permettant d’admirer les Tres Torres. Trois magnifiques tours, imposantes, droites, sublimes !
Les Tres Torres, les trois tours alignées sur un axe NE-SO, sont en granite pur, d’une verticalité de plus de 1000 mètres de hauteur. Respectivement appelées Torre Norte, Central et Sur, elles culminent à 2600, 2800 et 2850 mètres d’altitude. Le relief au-delà de la Torre Norte est appelé Nido del Condor.
Nous restons un bon moment à les admirer et à les photographier, malgré que ce ne soit pas le meilleur moment de la journée… Car même si le spectacle est sublime, le soleil couchant se trouvant juste derrière les tours. C’est un gros contre jour qui nous embête pour nos photos.
Nous retournons au camp en courant, nous dévalons les 320 mètres de dénivelé à grand pas. Lorsque les personnes sur le sentier nous entendent débouler, ils s’écartent effrayés, craignant de nous voir chuter et finir notre course en les percutant. J’adore ces situations que je trouve toujours très comiques.
Jour 7 – 09/12/09 : Du camp Torres au Guardena Amarga
Départ : 8h40 – Arrivée : 15h30 | +610/-1085m – 16km – 4h10
Nous décidons de remonter au panorama face aux Tres Torres ce matin, le contre jour d’hier nous ayant un peu gâché les photos. Cette fois nous faisons le trajet en à peine 35 minutes pour atteindre le pied des tours. Malheureusement, le ciel n’est pas aussi bleu qu’hier. Profitant de l’heure matinale et du calme avant l’arrivée de la foule, nous passons tout de même plus d’une heure à les admirer et à les photographier une nouvelle fois avant de reprendre la route.
Nous effectuons la descente jusqu’au camp en courant, cette fois-ci en 12 minutes ! Effrayant une fois de plus, ceux qui se trouvent sur le sentier.
Arrivé au camp, nous replions notre tente pour la dernière fois, et prenons la direction du retour. Nous parcourons le chemin inverse et après avoir dégusté nos dernières provisions au camp Chileno, nous poursuivons jusqu’au fond de la vallée.
Nous arrivons devant le luxueux hôtel Los Torres où des navettes assurent la liaison avec l’entrée du parc. Il ne reste plus que quelques kilomètres, qui seront pour Ricou très douloureux suite à une déchirure musculaire soudaine. Mais nous préférons continuer à pied, jusqu’au poste de garde Amarga afin de rallier notre point de départ et ainsi boucler la boucle.
Nous poursuivrons notre séjour en Patagonie en retournant du côté Argentin, dans la partie Sud du Parc des Glaciers, dans le cordon de los Cristales.