Le récit
Lyngen – Les Alpes de l’Arctique
La traversée de la péninsule
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Jour 1 – 05/07/10 : De Russelv au lac Pepparvatnet
Départ : 18h00 – Arrivée : 21h50 | +595/-205m – 8km – 3h25
C’est en bus, qui devait être normalement direct, que nous quittons Tromsø pour rejoindre le massif de Lyngen. Après trois changements et un passage en ferry pour traverser le fjord Ullsfjorden, nous arrivons à Russelv, au bout du bout de la route du hameau le plus septentrional de la péninsule de Lyngen. Après il n’y a plus qu’une petite piste qui continue en direction d’une maison isolée, à un peu plus de deux kilomètres au Nord.
Notre marche débute à 18 heures sur les rives de la péninsule, nous longeons le fjord Ullsfjorden jusqu’à cette maison. La météo est clémente pour nos premiers pas et nous permet d’admirer le fjord dans toute sa perspective. Nous bifurquons pour grimper sur les hauteurs des Alpes de Lyngen, jusqu’à un petit col à 258 mètres d’altitude. Ce col marque la limite de la zone « paysage protégé ». Les Alpes de Lyngen sont l’une des deux principales régions naturelles protégées du Troms du Nord.
Nous passons devant un petit lac au pied du Russelvjellet et débouchons sur le versant opposé du massif, dominé le fjord Ivgovuotna. Ce lac marque notre passage le plus au Nord que nous irons, sur la latitude 69°57’ Nord. La pointe Nord de la péninsule se trouve à moins de deux kilomètres, mais nous n’irons pas plus haut.
La mer est toute autour de nous, un paysage de fjords nous encercle. Nous avons beau être en montagne, ca sent la mer ici…
Nous poursuivons, en contournant le Russelvjellet pour rejoindre son versant Est, et ainsi prendre la direction du Sud, notre trajectoire pour les dix prochains jours. Il n’y a pas de sentier, c’est à nous de trouver le meilleur passage pour rejoindre le Lille Peppartiden, sommet au pied duquel nous comptons poser la tente. Nous marchons sur la ligne des 300 mètres d’altitude qui nous semble être le meilleur itinéraire. Mais au fur et à mesure de notre avancement, la ligne des 400 mètres semble finalement être plus directe, elle nous aurait fait faire moins de détours.
Quelques gouttes et des moustiques nous tombent dessus. Heureusement nous avons prévu une lotion et une moustiquaire de tête pour nous protéger. Si ces insectes sont réputés dans les régions du Grand Nord, je ne pensais pas en trouver sur les hauteurs, surtout en étant aussi proche de la mer.
Après avoir franchi quelques dénivelés, une rivière, un petit marécage et deux ou trois névés, nous arrivons vers les 22 heures au lac Pepparvatnet, dominé par le Lille Peppartiden culminant à 660 mètres d’altitude.
Nous installons notre bivouac à proximité du lac. Pendant que Célia déballe nos matelas et sac-de-couchages dans la tente, je m’occupe de trouver du combustible pour notre réchaud à bois. Mais les petites gouttes de pluie qui tombaient depuis en moment se transforment en déluge, nous finissons la soirée dans la tente.
Il est 0h20 lorsque nous allons nous coucher. Dehors, il fait jour, c’est la magie du Grand Nord !
Jour 2 – 06/07/10 : Du lac Pepparvatnet à la rivière Botnelva
Départ : 10h20 – Arrivée : 19h00 | +990/-1275m – 15km – 7h00
Notre lever est un peu tardif ce matin, du coup nous ne ferons pas l’ascension du Lille Peppartiden que nous avions éventuellement prévue. En plus le ciel étant partiellement nuageux, il n’est pas certain que nous pourrions profiter du panorama une fois en haut. De toute façon, je préfère mettre la priorité sur le passage du col qui nous attend.
Nous contournons les lacs Lomvatnan. Une tente y est installée, mais nous n’apercevons personne. Nous n’étions pas les seuls à camper par ici cette nuit !
Notre itinéraire remonte la rivière Kalddalen pour rejoindre le lac Kalddaisvatnet qui se trouve au pied du col. C’est un petit lac bleu ciel issu des névés qui descendent des pentes du Storgalten. Il est encore sur une grande partie recouvert de glace. D’ici, nous pouvons contempler le col de près. Malheureusement, nous avons la confirmation de ce que je craignais hier en l’observant depuis le bivouac, il n’est pas franchissable ! Il est beaucoup trop enneigé dans une pente raide pour tenter de le gravir. De plus, il semble que son sommet soit recouvert de séracs. Il serait beaucoup trop dangereux de tenter son ascension.
Il y a bien un autre col juste à côté, mais je ne sais pas s’il est possible d’en descendre sur son autre versant. Contrairement à celui-ci que j’avais observé lors de notre passage en bus pour rejoindre Russelv. Non seulement il peut se franchir, mais je sais qu’il n’est pas enneigé sur son versant Ouest.
Nous décidons donc de monter entre les deux cols, sur le Lille Galten Sud culminant à 833 mètres d’altitude. Qui, contrairement aux deux cols, n’est pas du tout recouvert par la neige. De son sommet, nous devrions pouvoir atteindre notre col.
La montée s’effectue dans de gros éboulis, qui ont une tendance à dégringoler lorsque nous y posons le pied. Alors que moi je m’éclate, Célia ne fait pas amie-amie avec les pierres. De ce fait, elle n’apprécie pas vraiment le passage qui lui demande une certaine concentration et effort physique supplémentaire. A partir des 750 mètres d’altitude, nous arrêtons la grimpette en direction du sommet qui ne nous intéresse pas afin de poursuive en dévers en direction du col. Cela nous prend un certain temps, car le passage demande une attention particulière, le petit lac glacier se trouvant 270 mètres en dessous de nous.
Nous prenons notre pause déjeuner au col qui culmine à 731 mètres d’altitude. Comme il fait beau, je laisse Célia s’y reposer pour continuer vers le Storgalten. Pendant la montée, j’ai un beau point de vue sur l’itinéraire que nous avons emprunté pour rejoindre le col. Le passage en devers est bien plus impressionnant vu d’ici, c’était finalement une sacrée traversée !
Il me faut 1h35 de grimpette dans les éboulis pour atteindre le sommet qui culminant à 1219 mètres d’altitude, le plus haut point de notre parcours. Le panorama depuis le sommet est magnifique à 360 degrés. D’un côté, je domine le fjord Nordlenangen et de l’autre, le glacier Gammvikblåisen dans une cuvette entourée de hauts sommets.
De retour au col, nous descendons sur l’autre versant pour rejoindre la mer. De là, nous longeons le fjord Nordlenangen où se trouvent quelques cabanes de pécheurs sur ses rives. Puis la rivière Botnelva jusqu’à ce que nous trouvions un coin non marécageux pour installer notre bivouac.
Nous passons la soirée autour du feu, que j’ai pu allumer ce soir. Heureusement car la fumée nous protège des moustiques et des midges qui ne se gênent pas pour venir nous déranger.
Jour 3 – 07/07/10 : De la rivière Botnelva au lac Lakselvatnet
Départ : 10h00 – Arrivée : 19h40 | +750/-730m – 20km – 7h25
Nous nous levons en compagnie de moustiques et de midges. Je ne compte même plus le nombre de piqures que j’ai eues en seulement deux jours. Ma cheville en est toute gonflée de se voir piquer.
Nous continuons de remonter la Botnelva que nous cherchons à franchir. Comme il n’y a pas de pont, nous allons devoir la traverser à gué. Pour cela, il nous faut trouver un passage qui s’y prête. Nous en trouvons un où la rivière s’élargi, ce qui permet d’avoir une eau moins profonde, avec un petit îlot au milieu permettant de la franchir en deux fois. L’eau est ici bien évidement glaciale, je me mets comme à chaque fois à crier des injures… Si au premier passage l’eau nous arrive qu’à mi-mollet, au deuxième, Célia s’enfonce jusqu’aux hanches… Il est notre premier gué, mais loin d’être le dernier dans cette traversée improvisée. Nous en avons d’ailleurs un nouveau dix minutes plus tard.
Nous poursuivons notre chemin en direction d’un nouveau col. Nous remontons une petite vallée, qui si sur les cartes et les images satellites ne semblait pas terrible, est en réalité toute autre. Cette vallée partiellement enneigée est magnifique. Aussi bien en terme de couleur, que de panorama sur les sommets aux alentours et sur les lacs Mellavatnet et Vassdalsvatnan qu’elle abrite. En plus, elle se laisse parcourir facilement malgré la neige.
De l’autre coté du col qui culmine à 623 mètres d’altitude, nous apercevons nos premiers rennes, deux adultes et deux petits. Nous poursuivons en descendant vers le fjord Sørlenangen. De là le tronçon qui suit est certainement le moins plaisant de notre périple, 6 kilomètres de bitume. Nous n’avons malheureusement pas eu le choix, je n’ai trouvé aucun autre chemin possible pour rejoindre la prochaine vallée que nous souhaitions absolument traverser. Heureusement sur le bord de la route se trouvent des maisons typiques de la région, souvent rouges, parfois blanches ou vertes. Quelques unes, des granges plus généralement, ont encore un toit recouvert d’herbe.
Ce soir nous avons le plaisir d’avoir un beau bivouac sous le soleil avec une vue sur le glacier Lenangsbreen, sans moustique !
Jour 4 – 08/07/10 : Du lac Lakselvatnet à la gorge Strupen
Départ : 9h20 – Arrivée : 22h00 | +1010/-1030m – 16km – 10h40
Ce matin nous prenons le départ avec le beau temps, puis même un grand soleil. C’est une chance car aujourd’hui est une étape clé de notre voyage, une journée qui devrait être de toute beauté.
Nous pénétrons dans la vallée Strupskardet qui doit nous faire traverser la péninsule dans sa largeur, afin de déboucher sur sa rive Est. Nous atteignons le premier lac d’une longue série, le Blavanet. D’un bleu foncé brillant, avec le glacier Lenangsbreen qui vient s’y jeter, il nous offre un avant goût de cette journée très prometteuse.
Toute la vallée n’est qu’un énorme éboulis, un énorme champ rocailleux. Il n’y a pas de sentier, nous marchons sur un véritable champ de pierres.
Nous poursuivons sur les quatre lacs de Strupskardvatnan, tout aussi beaux les uns que les autres. Nous nous arrêtons à l’un d’eux pour manger. Le soleil cogne fort, mon thermomètre affiche 26 degrés. Le lac est partiellement recouvert de plaques de glace, le paysage rocailleux qui nous entoure est celui de la haute montagne. Pourtant nous ne sommes qu’à 500 mètres d’altitude. Tout est minéral ici, il n’y a quasi pas la moindre trace de végétation.
Nous continuons en passant un col culminant à 588 mètres d’altitude pour arriver sur le lac Strupvatnet. De là, nous commençons à apercevoir le glacier Strupbreen. Il est impressionnant ! Je commence à me poser quelques questions : « Mais par où allons nous passer ! » « Est-ce que le passage que j’avais repéré est bien franchissable ? »
J’ai passé beaucoup de temps à étudier le passage qui nous attend, cartes, images satellites en 3D, photos… Tout y est passé ! Mais l’incertitude demeure.
Nous sommes arrivés quasiment au bout de la vallée, il ne reste plus que trois kilomètres à vol d’oiseau. Mais c’est ici que vient s’échouer le glacier Strupbreen dans un petit lagon glacé qui s’écoule en cascade jusqu’à la mer 500 mètres plus bas. C’est là que se trouve la gorge Strupen que nous souhaitons atteindre.
Théoriquement, il n’y a que deux possibilités pour rejoindre la gorge Strupen. Toutes les deux en provenance du hameau Koppangen. Soit en bateau par la mer, soit en traversant les glaciers Koppangsbreen et Strupbreen. J’espère trouver un troisième passage sans à avoir à franchir le glacier Strupbreen…
Un petit belvédère domine le petit lagon et nous offre un point de vue sur le glacier. Le panorama est grandiose, mais toute l’ampleur de la difficulté de trouver un passage se dévoile ! Il est 17 heures et je me demande sérieusement si nous allons pouvoir franchir tout cela pour rejoindre de l’autre côté le belvédère de Strupen. Où de là, je sais qu’un sentier descend en direction de la crique.
Le stress commence à monter pour moi, comment vais-je nous faire passer ces obstacles… Glacier, lagon glacé, torrent, névé, éboulis…
Nous nous rapprochons au plus prés du glacier, sur la rive du petit lagon glacé. C’est impressionnant d’être aussi proche du front du Strupbreen ! Nous allons jusqu’à l’embouchure du lagon, d’où l’eau s’écoule jusqu’à la mer. C’est là que j’espère pouvoir passer, en enjambant le cours d’eau. Mais c’est un véritable torrent qui se fracasse contre la roche dans un brouhaha assourdissant, sur une largeur bien trop grande pour l’enjamber ! Quant à la solution de le passer à gué, ca ne serait qu’une pure folie d’essayer ! Nous nous ferions emporter par le torrent dès le premier pas dans l’eau, pour nous voir finir chuter dans la cascade toute proche.
Nous n’avons pas d’autre choix que celui de longer ce cours d’eau en espérant trouver un passage plus loin. Le souci, c’est qu’il s’écoule en cascade, il n’est pas des plus facile à suivre et il n’y a aucun autre passage possible, la vallée étant très étroite. Nous avançons avec prudence en examinant chaque passage susceptible d’être traversé… Malheureusement, c’est sans espoir, l’eau étant vraiment déchaînée. Quand j’aperçois, environ 200 mètres plus bas, un replat suffisamment long, pour calmer les turbulences du courant et ainsi espérer pouvoir tenter une traversée à gué. Il nous faut aller voir, il est peut être notre seule solution pour atteindre Strupen.
Le tout maintenant est de pouvoir l’atteindre. Alors sans le savoir, c’est un véritable parcours du combattant que nous entamons ! En plus la météo se met à changer, le ciel se couvre, le brouillard fait son apparition et la pluie arrive petit à petit…
Nous commençons la descente, collés au plus prés de la paroi de la montagne, sur un passage large d’environ 60 à 80 centimètres, avec le torrent qui se trouve en contre bas. Puis nous nous retrouvons bloqués, face à notre première épreuve de la descente. Le passage ne fait plus que quelques centimètres de large sur les trois prochains mètres, ne laissant la possibilité de n’y poser que la pointe des pieds, en dessous, c’est un vide de quatre mètres. Je sors alors ma cordelette de 10 mètres pour descendre nos sacs sur le replat quatre mètres plus bas. Puis j’attache Célia par les hanches afin de l’assurer un minimum pour cette traversée. La roche étant en plus rendue glissante par la pluie. Elle passe doucement, mais sûrement, sans problème. Mon tour suit et nous poursuivons la descente après avoir récupérés nos sacs.
Nous n’allons guère plus loin avant de nous retrouver face à un nouvel obstacle. Cette fois-ci, nous avons huit mètres de parois à descendre ! J’assure à nouveau Célia qui descend jusqu’à un petit perchoir à 2,50 mètres plus bas. La paroi n’étant pas verticale, cela ne pose pas trop de souci, il nous faut juste être prudent et éviter de glisser sur la roche mouillée. Après lui avoir descendu les sacs à la corde, je la rejoins, sur ce petit bout de rocher où nous sommes à l’étroit. Puis je fais descendre les sacs jusqu’au pied de la paroi. Lorsqu’ils touchent le sol, j’arrive au bout de ma corde de 10 mètres, ce qui veut dire qu’il y a encore cinq mètres de vide sous nos pieds !
Je fais passer une nouvelle fois Célia en premier afin de pouvoir l’assurer. Elle descend de quelques mètres, mais elle reste bloquée à environ 2,50 mètres du sol… A partir de là, la paroi devient concave, donc impossible à descendre ! Elle tente de trouver un autre passage, mais en appui sur la pointe des pieds, son champ d’investigation est limité, elle n’a pas d’autre choix que de sauter. Sauter sur un rocher d’un mètre carré qui se trouve en contre bas, afin de gagner 80 centimètres de chute en moins…
Je la vois hésitante, cherchant encore à droite à gauche une autre solution, soufflant un gros soupir, puis crier : « J’y vais ! ». Là, elle s’élance dans le vide, je donne alors du mou à la corde. Elle atteint le rocher, je resserre la corde pour la freiner dans son élan, elle rebondit sur le rocher, puis touche terre ! Yahouuuuu ! Elle a réussi !
Oh putain… C’est à mon tour maintenant ! J’essai de descendre le plus bas possible comme Célia, mais sans assurage, ce n’est pas évident… La chute signifierait la fin du voyage ! Puis je me retrouve moi aussi, dos à la paroi, prêt à sauter sur ce rocher. La vache, que c’est haut ! J’en ai des sueurs froides. Je prends une bonne inspiration… Puis je fais le grand saut à mon tour… Je rebondis sur le rocher et touche terre. Yahouuuuuuuuuuu victoire !
Nous sommes passés, quel soulagement ! Mais cela signifie surtout que nous ne pouvons plus qu’aller de l’avant, impossible dès à présent pour nous de faire demi-tour.
Plus loin, dans un passage étroit, c’est une grande plaque de roche bien lisse, pentue et glissante comme une patinoire avec l’eau qui ruissèle dessus qui nous fait barrage. Pour ma part, je n’ai pas d’hésitation sur comment passer cette nouvelle épreuve. En luge ! La plaque fait environ trois mètres de long, je me laisse glisser dessus, atterris pieds devant dans la caillasse sur laquelle je continue de glisser avec ma vitesse pour aller m’écraser sous un névé…
Célia luge à son tour, je la rattrape comme je peux pour la freiner, mais elle part faire un strike dans nos sacs-à-dos que j’avais posés non loin de là.
Nous finissons par arriver au replat que j’avais aperçu du haut. La météo s’est depuis bien dégradée, pluie, vent et brouillard nous refroidissent alors que nous devons nous mettre à l’eau. Le plateau fait environ 250 mètres de long. En amont, une cascade, en aval, une autre cascade de 350 mètres ! Et nous devons traverser au milieu des deux ! Nous avons environ huit mètres de gué à passer. Il y a un peu de courant, mais l’eau est calme, sans remous. Par contre, elle est blanche comme du lait, nous n’avons du coup aucune idée de la profondeur, cinquante centimètres, un mètre, un mètre cinquante ? Nous essayons de trouver le meilleur passage, mais il n’y en a pas des masses. En plus, nous ne pouvons pas trop tarder, avec ce qu’il flotte, nous commençons à être frigorifiés à rester là sans marcher. Je croise les doigts pour qu’il n’y ait pas trop de profondeur…
Nous décidons de traverser le gué tout habillé, il fait trop froid pour retirer le bas de nos vêtements. Nous garderons notre sur-pantalon et nos chaussures. N’ayant aucun idée de la profondeur et de ce qui se trouve au fond de l’eau, il nous faut assurer un bon maintient au sol, nous n’avons pas le droit de tomber à l’eau ! De plus nous sommes déjà bien trempés, cela ne changera pas grand-chose. J’utilise également la cordelette pour nous encorder, à une distance de quatre mètres, ce qui me permet de la doubler.
Goooo ! Nous passons rapidement, sans nous arrêter, légèrement en diagonal pour suivre le courant, l’eau est heureusement peu profonde, juste au-dessus des genoux. Arrivés de l’autre côté, l’eau accumulée dans les chaussures me glace bien évidement les pieds. Mais le plus important c’est que nous sommes passés ! En plus j’aperçois un petit cairn un peu plus haut. Nous sommes sauvés ! Cela signifie que des personnes ont pu arriver jusqu’ici depuis Strupen, nous devrions donc ne plus avoir de surprise.
Nous finissons par arriver au belvédère de Strupen vers 21 heures, après trois heures de descente infernale depuis celui du petit lagon glacé qui se trouve seulement 150 mètres plus haut ! Le panorama sur la crique est de toute beauté, l’eau blanche du glacier qui s’écoule par la cascade va se jeter dans la mer bleue, eau douce et eau salée se rejoignent dans un mélange de couleur. En plus un renne solitaire passe non loin de nous, le spectacle est digne des difficultés que nous venons de rencontrer.
Il nous faut encore une heure de descente dans un éboulis recouvert de verdure, rendu glissante par la pluie, pour rejoindre le bord de mer. Heureusement, l’un des avantages de randonnée l’été à une latitude au-dessus de celle du cercle Arctique, c’est qu’il fait jour en permanence ! Nous ne sommes du coup pas pressés par le temps pour arriver avant la nuit.
Nous passons la soirée au calme, au bord de l’eau, épuisés… La journée a vraiment été difficile, mais si nous sommes passés sans encombre, je sais que cela n’a pas été qu’une question de chance. Malgré les conditions météo, le stress, nous n’avons à aucun moment cédé à la panique. Nous avons toujours pris chaque obstacle au cas par cas, analysant la situation. Célia m’a fait en plus confiance jusqu’au bout sur les choix de l’itinéraire malgré les difficultés et surtout elle a assuré, une vraie warrior.
Jour 5 – 09/07/10 : De la gorge Strupen au refuge Fastdalsytta
Départ : 9h00 – Arrivée : 11h25 | +215/-65m – 4km – 1h15
Le seul moyen d’arriver dans la gorge Stupen, en dehors d’une traversée glacière, est le bateau. Nous avions donc organisé un rendez-vous pour qu’un petit bateau vienne nous chercher ce matin afin de poursuivre notre marche. Pour 500 NOK (environ 65€), il va nous amener au hameau Koppangen situé cinq kilomètres plus au Sud.
Neuf heures, le bateau est pile à l’heure, par contre moi, je suis à poil en train de me laver dans un cours d’eau… Branlebas de combat pour me rincer, sécher et rhabiller en moins de deux minutes.
Nous arrivons à Koppangen après une balade maritime d’une vingtaine de minutes. C’est un petit hameau de pécheurs fort joli, avec une très belle lodge en bois rouge sur pilotis juste en bord de mer.
Nous profitons du soleil et des galets chauds de la petite plage pour prendre notre petit déjeuner ainsi que laver et sécher nos affaires avant de poursuivre la route.
A la sortie de Koppangen, nous empruntons un sentier, ce qui n’a pas été souvent le cas depuis notre départ, qui nous amène jusqu’au refuge Fastdalsytta.
Nous décidons finalement après avoir pris notre déjeuner et examiné notre stock de nourriture restant, de nous y installer pour le reste de la journée. Nous n’avons fait certes que quatre kilomètres, mais nous avons besoin de repos après la journée d’hier, aussi bien physiquement que mentalement. Nous ne manquons pas d’occupation, entre la sieste où je trouverai le moyen pour me réveiller avec un œil gonflé suite à une piqure de moustique et le récit de cette fameuse journée à écrire (un récit qui va me demander un bon moment vu tout ce qu’il y a à raconter). En plus si nous poursuivons, nous avons peur d’arriver trop tard au village Lyngseidet, notre point de ravitaillement pendant cette traversée. Les magasins risqueraient d’être fermés et nous ne souhaitons pas non plus y passer la nuit.
Le refuge qui est non gardé coûte 50 NOK (environ 6,50€) par personne et il est très confortable. Il dispose d’un vrai séjour et de canapés bien moelleux pour la sieste…
Jour 6 – 10/07/10 : Du refuge Fastdalsytta au refuge Sjollihytta
Départ : 7h30 – Arrivée : 15h40 | +910/-780m – 20km – 6h20
Je me sens un peu patraque ce matin, peut-être est ce dû aux piqures de moustiques que je compte maintenant par dizaines. Je dois en avoir quatre, peut être cinq !
Nous commençons la journée en empruntant un sentier sur un plateau qui domine le carrefour de trois fjords, le Ivgovuotna, le Storfjorden et le Kåfjorden. Ce grand plateau abrite des pâturages pour les moutons, des blancs surtout et quelques noirs.
Nous arrivons au lac Rotenvikvatnet où nous poursuivons toujours vers le Sud, pour rejoindre le village Lyngseidet en contrebas. C’est ici que se trouve la séparation entre les Alpes de Lyngen Nord et Sud, une séparation naturelle marquée par le fjord Kjosen.
Nous faisons une halte au supermarché afin de faire le plein de provisions pour la suite de notre périple. Nous y trouvons de tout, y compris du matériel de randonnée comme des cartouches de gaz. Un produit habituellement banal, mais souvent indispensable et difficile à trouver lors de randonnée. Mais cette fois-ci nous n’en avons nullement besoin, notre réchaud fonctionnant au bois.
Nos profitons de la sandwicherie pour prendre un déjeuner à table et au chaud. Si les Scandinaves sont connus pour tous parler correctement anglais, ici au fin fond de nulle part, ce n’est pas le cas. Nous devons jouer des mains pour passer notre commande.
Nous sortons de Lyngseidet en empruntant un sentier en forêt, avec notre premier véritable balisage depuis nos débuts. Enfin si le fait d’accrocher des bouts de sac-plastiques aux arbres peut s’appeler du balisage…
Après être passés au niveau du petit abri Stelen, très sommaire, nous quittons la côte pour pénétrer dans la vallée Kvalvikdalen. Il se met à pleuvoir lorsque nous arrivons au niveau du refuge Sjollihytta. Nous décidons du coup d’y rester pour le reste de l’après-midi. Il est tout autant confortable que celui d’hier pour un tarif un peu plus cher, 100 NOK (environ 13€).
Quatre randonneurs y font une halte pendant leur descente. Mais nous serons les seuls à passer la nuit dans ce refuge non-gardé.
Jour 7 – 11/07/10 : Du refuge Sjollihytta au glacier Sydbreen
Départ : 8h50 – Arrivée : 20h00 | +1230/-1110m – 20km – 9h35
Aujourd’hui, nous nous levons sous un ciel gris mais non pluvieux. La météo n’est guère optimiste.
Il nous faut deux heures de montée pour atteindre le lac Dalvatnet par un sentier broussailleux, dans lequel il faut souvent chercher son chemin. Puis au niveau du lac, nous passons sur l’autre versant de la vallée Kvalvidalen. Nous changeons de rive pour continuer à flanc de montagne en direction d’un belvédère indiqué par un petit cairn. Il offre une magnifique vue sur le fjord Storfjorden. Le ciel se dégage.
Nous poursuivons sur les hauteurs pour rejoindre le lac Onkevatnet. Nous avançons un peu au hasard en direction du Sud, en suivant des yeux le Pollfjellet qui se dresse devant nous dans un panorama superbe. Après avoir passé un petit col, nous apercevons une tente sur la rive du Onkevatnet en contre bas. En s’approchant d’un peu plus près, nous voyons qu’elle est occupée par deux gamins ! Par où sont-ils passés pour venir jusqu’ici seuls ? C’est fou !
Nous rejoignons un peu plus loin le col qui débouche sur la vallée Lyngsdalen, la prochaine que nous souhaitons gagner. Deux possibilités s’offrent à nous. Soit nous effectuons l’ascension du Pollfjellet culminant à 1213 mètres d’altitude, ce que nous avions éventuellement prévu de faire, soit nous essayons de descendre de suite dans la vallée, par un itinéraire qui n’en est pas un, pour tenter de rejoindre les glaciers, ce soir.
Je sais que les deux sont faisables car j’avais pu lire lors de nos préparatifs un récit d’un groupe de Norvégiens qui était passé par ici. Cela dit, le sommet qui est encore une fois tout en éboulis, nous prendrait pas mal de temps pour en faire l’aller-retour. Cela risque de faire juste pour aujourd’hui. Nous préférons également profiter du soleil pour entreprendre la descente dans la vallée et rejoindre les glaciers ce soir afin d’y bivouaquer à leurs pieds. Nous renonçons donc au sommet.
Nous entamons cette descente bien raide de 700 mètres de dénivelé. Le début se passe sans encombre, nous suivons un cours d’eau. Le tout est de bien anticiper la suite afin de ne pas se retrouver dans des pentes trop raides, ou pire, en surplomb d’une barre rocheuse. Nous poursuivons dans le lit de la rivière, les rives étant maintenant inaccessibles, jusqu’à ce que nous nous retrouvions bloqués par une petite cascade. Un deuxième cours d’eau non loin de là, vient rejoindre celui-ci. Il semble plus fréquentable. Après un peu de désescalade à travers une végétation dense, nous le rejoignons. Nous le suivons également dans son lit, c’est encore la façon la plus simple de continuer notre chemin et ainsi de perdre de l’altitude, jusqu’à des terrains moins pentus. De là, nous poursuivons en forêt dans le fond de vallée à la recherche du sentier en provenance du village de Furuflaten sur la côte Est.
Le sentier qui parcourt la vallée Lyngsdalen, du village de Furuflaten aux glaciers Bálggesváhjiehkki, Sydbreen et Vestbreen, est certainement la balade la plus courue des Alpes de Lyngen. Car elle est l’une des plus accessibles tout en ayant un panorama spectaculaire. Cela dit, nous ne croiserons personne, ce massif est vraiment peu fréquenté…
Nous remontons la vallée en passant devant le chalet Lyngsdalshytta qui semble être neuf. Celui-ci, contrairement aux autres que nous avons passés, est fermé. La clé se récupérant à Furuflaten pour 100 NOK (environ 13€).
Après avoir traversé un bout d’une forêt luxuriante, nous débouchons sur les glaciers.
Nous laissons le glacier Vestbreen, qui se trouve un peu à l’écart, de côté. Il ne reste que très peu de temps avec que le soleil ne se cache derrière les montagnes, nous préférons rejoindre les deux autres pour profiter des dernières rayons.
Nous déposons nos sacs-à-dos un peu en aval et nous nous approchons au plus prés des glaciers Bálggesváhjiehkki et Sydbreen. Deux superbes mastodontes qui descendent jusqu’à 500 mètres d’altitude. Derrière eux se cache le Jiehkkevarri culminant à 1834 mètres d’altitude. Il est le plus haut sommet des Alpes de Lyngen.
Notre deuxième bivouac tant attendu, après celui dans la gorge Strupen et celui-ci. Nous comptons planter notre tente face au glacier Bálggesváhjiehkki. Pour cela, nous avons à franchir les deux torrents qui s’écoulent des glaciers. Si ce n’est ce soir, ce sera demain matin, afin de poursuivre notre itinéraire.
Le premier gué se traverse sans soucis malgré quelques remous. L’eau bien évidement glaciale, nous monte à peine au dessus des genoux. Quant au deuxième, il est beaucoup plus tumultueux, mais nous n’avons pas trop le choix, à moins de redescendre beaucoup plus bas en aval. Célia n’étant pas très rassurée, nous passons donc en même temps.
Elle est à ma droite, légèrement devant moi et en amont de la rivière, je la tiens fermement par la bretelle du sac-à-dos. Nous mettons pied à l’eau qui ne nous arrive pas plus haut que le premier, et nous faisons quelques pas. Je sens que Célia a du mal à garder son équilibre et à avancer. Elle glisse et tombe à l’eau. Emportée par le courant, elle passe de ma droite à ma gauche. La tenant fermement, je me retrouve à pivoter sur moi-même, me faisant ainsi perdre l’équilibre et chuter à l’eau à mon tour.
Nous voilà emportés par le courant, Célia sur le dos, moi à moitié de coté sur la droite. Mon genou droit raclant la caillasse au fond du torrent afin de garder mon équilibre, la jambe gauche tendue avec le pied poussant sur le sol pour nous freiner. Tout en même temps je tire le sac-à-dos de Célia, que je n’ai pas lâchée, pour la ralentir.
Je vois deux objet s’enfuirent loin devant nous, emportés eux aussi par le courant, je croise les doigts pour que ca ne soit pas nos chaussures accrochées sur le dessus de nos sacs… Tout se passe très vite en quelques dizaines de secondes, nous glissons sur quatre ou cinq mètres avant que je n’arrive à nous stopper à mi-parcours du gué, dans une eau plus calme et peu profonde. Je me lève et sors Célia de l’eau.
Elle reste là, figée, sans bouger, complètement tétanisée. Je lui cris alors : « Vite, avances, ca caille ! ». Arrivés sur l’autre rive, nous sommes bien entendu trempés et frigorifiés. Il nous faut vite nous déshabiller pour nous sécher. Il est 19 heures passées.
Nos affaires étant bien protégées, tout ce qui était à l’intérieur des sacs-à-dos est resté au sec. Nous avons ce qu’il faut en change, une paire de chaussettes, un sous-vêtement et un t-shirt. Comme nous avons traversé le gué jambes nues, nos pantalons et sur-pantalons sont restés au sec. Célia qui avait sa veste au moment de traverser, a du coup gardé sa polaire sèche. Par contre pour moi, c’est la polaire que je portais. Elle est trempée, il ne me reste que ma veste… Nos chaussures, quant à elles, sont inondées. Mais heureusement, nous ne les avons pas perdues, contrairement à nos tongs…
Mes pieds sont violets et complètement frigorifiés. Il faudra les frictionner avec délicatesse pendant un bon moment pour qu’ils retrouvent leur couleur d’origine… Enfin blanc, ça ne sera déjà pas si mal…
Nous sortons de là avec deux égratignures, une belle frayeur pour Célia qui en tremble encore et un genou bien cabossé pour moi. J’hériterai évidemment de beaux hématomes qui mettront plus de six semaines à disparaître.
Après ce petit bain du soir, nous profitons de notre bivouac de rêve aux pieds de ces majestueux glaciers. Une soirée frisquette mais de toute beauté.
Jour 8 – 12/07/10 : Du glacier Sydbreen au lac Andervatnet
Départ : 10h10 – Arrivée : 21h15 | +590/-885m – 18km – 10h50
Le ciel est un peu gris, dommage pour la vue sur les glaciers au petit matin. En tout cas, il ne fait pas chaud, nous ne tardons pas à replier le camp une fois levé.
Heureusement nos affaires principales sont sèches, nous n’aurons pas à les transporter mouillées.
Une fois que nous avons tourné le dos au Bálggesváhjiehkki et au Sydbreen, nous pénétrons dans la vallée Bálggesvággi. Une longue vallée en serpentin qui va nous faire rejoindre la côte Ouest de la péninsule. Le premier lac que nous longeons, le Forstevatnet, est paisible et reposant. D’une eau transparente et calme sans remous, entouré de verdure où des oiseaux viennent s’y poser. Cela nous change de la bousculade d’hier au pied des glaciers.
Mais la vallée est très étroite et nous nous retrouvons vite dans les éboulis issus des sommets voisins hauts perchés. J’ai l’impression de remonter une longue gorge, dans laquelle nous alternons entre les champs de pierres et les névés. La neige est bien présente et des petits glaciers sur les pentes de la vallée commencent à faire leur apparition. Nous sommes de plus en plus pessimistes sur la météo des prochaines heures, nous préférons donc ne pas nous arrêter pour manger et ainsi tenter de passer le col avant que le ciel ne se dégrade d’avantage. Nous contournons les lacs Bálggesvátnet et Veidalsvatnet où a chaque fois l’espace entre l’eau et les parois de la gorge se rétrécit.
Une fois passé un petit pas culminant à 790 mètres d’altitude dans des conditions météo qui deviennent hivernales, nous débouchons face au lac Nàllangavatnet. A l’instant même où je pose les yeux dessus, je sens qu’il va devenir notre nouveau cauchemar !
Je m’assois sur un rocher, accablé par ce panorama à la fois magnifique et angoissant, afin de souffler un coup avant d’évoquer un possible demi-tour à Célia. Mais nous venons de si loin… Il nous faudrait retourner jusqu’au village de Furuflaten à l’entrée de la vallée Lyngsdalen pour contourner ce massif.
Le lac a un peu l’apparence d’une tête vue de profil, avec un nez de sorcière où nous serions situés sur son bout. Plongé dans un ciel bien gris, le décor est parfaitement planté. Sur sa rive Sud, son cou, un glacier infranchissable vient se jeter à l’eau. Sur sa rive Nord, son crâne, c’est un dévers bien raide de 500 mètres de long qu’il nous faudrait traverser. Un dévers tout en éboulis sur le quel se trouvent des névés et une petite cascade ! Quant au col que nous devions rejoindre, il se trouverait au niveau de la nuque.
Observer un passage au loin peut être souvent trompeur en montagne. Il peut tout aussi bien apparaître comme plus difficile, comme plus facile. Nous décidons donc d’y aller étape par étape et de commencer par s’approcher du devers pour voir ce qu’il en est.
De près, il est toujours aussi pentu que de loin, mais il semble traversable, notamment sur la partie en éboulis. Nous allons donc avancer au moins jusqu’au premier névé. Si la marche en dévers sur un éboulis ne me pose aucun souci, même avec un lac en contre bas, ce n’est pas trop le cas de Célia. Les pierres qui roulent sous ses pieds ne la rassurent pas trop. Nous marchons l’un à côté de l’autre pour que je puisse l’assurer en la tenant par le sac-à-dos, lentement, un pied à la fois afin de bien l’ancrer. Arrivés au premier névé, nous avons deux langues de neiges à passer de cinq et dix mètres. Heureusement la neige est bonne, il n’y a pas de plaque de glace. Nous creusons des marches à chacun de nos pas, les bâtons sont bien plantés à chaque fois afin de prévenir d’un éventuel faux pas.
Car j’ai toujours cette image en tête d’un incident survenu lorsque j’étais petit. Pendant d’une randonnée en famille dans les Alpes, nous avions eu un névé à traverser. Un ami qui nous accompagnait a glissé et s’est retrouvé à luger jusqu’en bas du névé pour finir sa course sous un énorme rocher. Une glissade sans gravité.
Ici, il n’y a pas de rocher pour nous stopper en contre bas, c’est un lac qui nous attend. Un lac recouvert d’une plaque de glace sur ses bords qui nous ferait continuer notre glissage jusqu’en son milieu avant de nous couler !
Les deux langues passées, nous continuons dans les éboulis jusqu’au prochain obstacle, la petite cascade. Heureusement, celle là était plus impressionnante de loin que de prés, ce n’est qu’un petit cours d’eau à enjamber.
Nous poursuivons notre traversée périlleuse sur une bonne longueur d’éboulis, nous arrêtant de temps en temps afin d’admirer le panorama. Car en dehors de la difficulté, il faut avouer que nous sommes dans un cadre splendide. Encore une fois le paysage est à la hauteur de la difficulté. Ces petites pauses nous permettent également de souffler un peu, car toute cette longueur nous demande une concentration épuisante à chacun de nos pas.
Maintenant, il nous reste plus qu’à franchir un long névé qui nous mènera jusqu’au col. Nous prenons une nouvelle fois toutes les précautions pour avancer prudemment et ainsi atteindre l’autre extrémité. Nous débouchons après de deux heures de prudence, sur le col culminant à 810 mètres d’altitude dans un brouillard gris. Il n’est pas celui que j’avais repéré depuis l’autre rive, mais il nous évite d’avoir à continuer à longer d’avantage le lac. J’espère juste qu’il ne nous réservera pas de nouvelle surprise.
Sur l’autre versant, nous avons à présent 330 mètres de dénivelé à descendre dans un pierrier pour rejoindre les lacs Rundvatnet. Deux beaux lacs, un turquoise et un bleu foncé, qui marquent la fin des épreuves. Car de là, nous apercevons le fjord Moskavuotna qui se trouve au fond de la vallée Goverdalen que nous venons de rejoindre. Mais ce n’est pas pour tout de suite, nous ne sommes pas encore arrivés.
Une longue route lente à parcourir. Après les nombreux éboulis de pierres que nous avons traversés dans ce massif, c’est maintenant dans un éboulis de blocs rocheux pouvant atteindre les quatre mètres de haut, que nous devons slalomer. Où il parfois plus facile de passer sous les rochers que de les contourner.
Après dix heures de marche, dont une bonne majorité dans les éboulis et à tailler des marches dans la neige, mon genou commence à me faire souffrir à cause des hématomes qu’il s’est pris hier. Un anti-douleur me permettra de tenir le coup afin de terminer notre dernière longueur. La traversée d’une forêt dense et parfois marécageuse pour rejoindre le lac Andervatnet où de là nous retrouvons un sentier.
Nous installons près du lac notre campement du soir, offrant un panorama sur le fjord Moskavuotna, après une longue étape qui nous a pris deux à trois fois plus de temps que ce que nous avions estimé…
Jour 9 – 13/07/10 : Du lac Andervatnet à la rivière Ellenelva
Départ : 10h50 – Arrivée : 17h15 | +180/-310m – 18km – 4h10
Le vent a bien soufflé cette nuit, la tente a été un peu secouée. Nous levons le camp une fois seulement que la pluie a cessé.
Nous rejoignons rapidement le bout de la vallée Goverdalen en suivant un sentier, cette fois-ci. Arrivés sur la rive du fjord Moskavuotna, nous poursuivons les quelques kilomètres suivants sur du bitume jusqu’au village Laksekvnes. A notre grande surprise, nous trouvons une épicerie qui nous permet d’offrir un petit bonus à notre stock de nourriture. Ainsi que de faire un repas avec des produits frais.
Nous profitons également pour déjeuner juste devant l’établissement, tout en observant le va-et-vient des locaux. Nous sommes au-fin fond de la Norvège ici…
Nous continuons encore un bout sur le bitume, avant de quitter le bord du fjord pour suivre une piste en direction du village Djupen. Et à dire vrai, je ne suis pas trop mécontent de cette journée de plat sur un chemin facile. Cela permet à mon genou de récupérer des dernières étapes. Il n’aurait pas pu enchaîner sur une journée comme celle d’hier.
Sur la piste, nous apercevons un renardeau peu farouche. Il nous précède sur le sentier, se glissant de temps en temps dans les buissons pour chercher une proie, puis revenant sur le sentier comme si de rien n’était, faisant ainsi semblant de ne pas nous voir.
Nous installons notre tente de bonne heure, aujourd’hui. Nous profitons d’un coin sympa sur la rive de la rivière Ellenelva. Après un brin de toilette dans le torrent, nous allumons un gros feu afin de passer une soirée bien au chaud.
Notre carte dépliée, nous étudions les différentes possibilités qui s’offrent à nous pour la suite de la traversée. Soit nous continuons vers le Sud en traversant la rivière Ellenelva, pour suivre une piste, puis une route jusqu’au village Heimdal. De là, nous nous engagerons à nouveau dans les montagnes. Soit nous entrons dans la vallée Ellendalen qui est juste devant nous, pour poursuivre au travers de montagnes avec un risque que demain ou après-demain nous nous retrouvions face à un nouvel obstacle.
La nuit portant conseil, nous ferons notre choix demain.
Jour 10 – 14/07/10 : De rivière Ellenelva à la rivière Storelva
Départ : 15h05 – Arrivée : 20h35 | +550/-315m – 15km – 6h00
Nous sommes bloqués sous la tente ce matin, il pleut des cordes ! Nous nous occupons avec le seul jeu que nous ayons, le jeu des cochons, une sorte de jeu de dés.
A 14 heures nous pouvons enfin pointer le nez dehors. Mais nous sommes plongés dans un gros brouillard, nous ne voyons rien du tout. Dans ces conditions, nous ne pouvons suivre l’itinéraire par la vallée Ellendalen…
Il nous faut passer de l’autre côté de la rivière Ellenelva pour continuer notre chemin vers le Sud. Le courant étant beaucoup trop important pour un passage à gué, nous devons la remonter afin de prendre une succession de deux ponts et de quelques marécages pour la traverser. Au bout d’une heure de marche, nous nous retrouvons face à notre bivouac, mais sur l’autre rive de la Ellenelva.
Il fait froid, gris et humide. Nous marchons sur du bitume. Ce n’est pas vraiment une bonne journée, il n’y a rien d’enthousiasmant là-dedans. J’aurais aimé pouvoir passer par les montagnes plutôt que cette route.
Quand d’un coup, nous apercevons une harde de rennes, de plus d’une centaine de têtes derrière une maison. Nous pouvons ainsi nous en approcher discrètement. Ils sont juste là, devant nous, à portée de main. Un spectacle qui fait oublier la morosité de la journée. Nous reprenons du coup la route grise gaiement, il nous en faut peu…
Arrivés au niveau du village Heimdal, une piste, puis un sentier nous fait entrer dans une zone d’élevage de rennes. A partir de là nous en croisons de partout ! Il en sort de tous les côtés ! Je les sens même avant de les voir, ce qui permet de les approcher discrètement. Ils sont faciles à reconnaitre, ils ont la même odeur que notre saucisson. Par contre, Célia avec sa veste orange vif a tendance à les faire fuir.
La météo est toujours grise, mais avec une lumière qui offre de très belles couleurs sur la vallée Piggtindsvatnet où nous installons notre bivouac.
Jour 11 – 15/07/10 : De la rivière Storelva à Nordjosbotn
Départ : 9h20 – Arrivée : 17h00 | +410/-725m – 15km – 6h10
Nous poursuivons la douce montée dans la vallée Piggtindsvatnet, toujours sous un ciel gris aux nuages bas, afin de rejoindre le col culminant à 638 mètres d’altitude. Nous passons le petit lac Piggtindsvatnet au milieu d’éboulis, nous avons maintenant compris qu’il ne peut en être autrement dans ce massif. Mais celui-ci est tout petit comparé à ceux que nous avons eu l’occasion de traverser. Célia a maintenant bien attrapé le coup et maîtrise les pierres qui roulent.
Une longue descente dans la vallée Lysvassdalen nous amène, après avoir quelque peu erré dans une forêt, au lac Storvatnet. Le ciel commence à se lever et nous faisons une pause au soleil à l’une des cabanes de pêcheur qui bordent la rive. Ce lac marque pour nous la dernière étape de notre périple. Il nous ne reste plus qu’une descente de 300 mètres de dénivelé pour boucler notre marche.
Nous atteignons le point méridional de la péninsule, le village Nordjosbotn, après une magnifique traversée des Alpes de Lyngen. Une chaîne montagneuse spectaculaire et périlleuse qui ne se laisse pas dompter facilement.
Au village, nous trouvons tout ce qu’il faut pour nous ressourcer avant de poursuivre notre séjour dans le Parc National de Øvre Dividal situé à 80 kilomètres de là.